ASCENSEURS STORY
Voici les textes du labo en ligne huit : cinq "dialogues d'ascenseur" drôles et corsés, absurdes ou poétiques. Je vous laisse le plaisir de les découvrir. La proposition de la neuvième semaine est (enfin) en ligne.
Pour la découvrir sans plus attendre, CLIQUEZ ICI !!!
(mais qu'est-ce qui me prend de brailler comme ça ?)
Votre dévouée
Lala Bo Rantine
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DEGUISEMENTS POUR ASCENSEUR
– Oh bonjour ! mon joli, t’es tout seul là ! Alors, ta maîtresse, elle t’a oublié ! Tu viens avec moi, je vais t’accompagner chez le gardien !
(La porte de l’ascenseur s’ouvre)
– Bonjour ! Non il n’est pas à moi ! Il était là quand je suis monté. Il est mignon, hein ? Oui c’est quelqu’un qui l’aura oublié sûrement !
– J’espère qui va pas pisser partout ! Aïe !! mais y m’a mordu le gros con !
(C’était, en chien)
– Por favor.
– Quel étage ?
– Por favor.
– Quel ETAGE, STEP, ETAJEN, FLOOR !
– Ah, no soy homosexual, gracias.
(C’était, en mexicain hétérosexuel)
– (Voix métallique) Reste-avec-moi-je-ne-te-veux-pas-de-mal.
– Qui êtes-vous, d’où venez-vous ?
– (Voix métallique) Tu-ne-pourrais-pas-comprendre.
– Vous allez à quel étage ?
– (Voix métallique) L’appareil-est-sous-mon-contrôle-je-vous-emmène-chez-moi. Ah ah ah. (rire métallique)
(C’était, en martien)
(Un homme entre dans l’ascenseur, il se trouve face à un yucca dans son pot)
–…
(Il sort au 7e)
(C’était, en yucca)
– Bonjour
– …
– Vous allez où ?
(Elle indique le 7)
– Vous n’êtes pas française ?
(Elle fait signe que non de la tête)
–Ah, vous m’avez compris cependant !
(Elle fait signe que non de la tête)
– Vous n’avez pas peur de rester bloquée, ça tombe souvent en panne ces saloperies. Moi, rester bloqué avec vous, ça me plairait plutôt. Vous me faites penser à quelqu’un, on s’est pas déjà vu quelque part ?
(Elle se caresse la barbe dans le miroir)
(C’était, en femme à barbe)
(Un homme entre dans l’ascenseur, il se trouve face à son reflet, mais ce n’est pas lui)
– Merde ! mais qui c’est ça ?!
– C’est toi, connard !
(C’était, en " reflet de l’autre ". Voir notice d’installation sur le site de la Nasa)
Patrice Meynier
-------------------------------------------
LA GIRAFE QUI BOITAIT
Un homme, une femme dans un ascenseur qui descend.
LUI: Vous savez ce que je viens de voir?
ELLE: Non.
LUI: Une girafe.
ELLE: Où ça?
LUI: Place de la Concorde.
ELLE: C'est extraordinaire!
LUI: Une girafe qui dansait le paso doble Place de la Concorde...
ELLE: Au milieu des passants?
LUI: Et des cars de touristes!
ELLE: Vous êtes sûr que ce n'était pas une autruche?
LUI: Tout de même, j'ai voyagé!
ELLE: Un moment de distraction est vite arrivé...
LUI: L'une a moins de plumes que l'autre...
ELLE: Mais laquelle?
LUI: Je ne sais pas exactement.
ELLE: Vous voyez que ça n'est pas si simple que ça!
LUI: Et vous savez le plus extraordinaire?
ELLE: Non.
LUI: C'est que cette girafe boitait de la patte arrière...
ELLE: La droite ou la gauche?
LUI: Tantôt l'une, tantôt l'autre...
ELLE: Elle s'était peut-être blessée...
LUI: Sur les pavés, vous croyez?
ELLE: Ou elle vait peut-être glissé sur du crottin de cheval...
LUI: Du crottin Place de la Concorde?
ELLE: Il y en a parfois après le passage de la Garde Républicaine...
LUI: Seulement le 14 juillet!
ELLE: Vous êtes certain que ce n'était pas une otarie?
LUI: Ah non, l'animal ne sentait pas le poisson!
ELLE: Vous en êtes sûr?
LUI: Puisque que je vous dis que c'était une girafe!
ELLE: Oh, ça n'empêche pas...
LUI: Pourquoi pas un phoque, tant que vous y êtes?
ELLE: Je ne sais pas, moi...
LUI: Ou un manchot?
ELLE: L'animal avait perdu un bras?
LUI: Non!
ELLE: Alors, ce n'était pas un manchot!
LUI: Et le plus surprenant...
ELLE: Oui?
LUI: C'est que cette girafe qui boitait tantôt d'une jambe, tantôt de l'autre, portait un haut-de-forme...
ELLE: Noir?
LUI: Vous avez déjà vu des hauts-de-forme rouges?
ELLE: Pas moi, mais mon concierge oui...
LUI: Où ça?
ELLE: Au Tonkin...
LUI: Un chéchia, vous voulez dire?
ELLE: C'est très possible!
LUI: Je vous parle du gibus de la girafe...
ELLE: Attendez, c'était un gibus ou un haut-de-forme?
LUI: C'était un chapeau, en tout cas!
ELLE: Vous êtes sûr que ce n'était pas un kangourou qui portait une casquette de coureur cycliste?
LUI: Le Tour de France est terminé depuis un mois...
ELLE: L'animal était peut-être en retard...
LUI: A cause d'une crevaison?
ELLE: Peut-être, oui...
LUI: Ecoutez, des kangourous, j'en ai vu au zoo de Vincennes!
ELLE: Et pas des girafes?
LUI: Des phacochères aussi, en veux-tu en voilà!
ELLE: Et des renards argentés?
LUI: Mais une girafe Place du Trocadéro, ça non!
ELLE: C'était Place du Trocadéro ou Place de la Concorde?
LUI: Peu importe, c'était sur une place!
ELLE: Vous n'aviez pas un trop bu?
LUI: J'étais à jeun!
ELLE: On peut avoir des hallucinations quand on a le ventre creux!
LUI: Et le plus époustouflant, c'est que cette girafe qui boitait et portait un chapeau claque jouait du bandonéon...
ELLE: Alors là, je ne vous crois plus!
LUI: Pourquoi ça?
ELLE: Je n'ai jamais vu une girafe qui joue du bandonéon!
LUI: Pas même dans un cirque?
ELLE: Non! Du piano droit, à la rigueur, mais pas de l'accordéon!
LUI: Il s'agissait d'un bandonéon!
ELLE: Ce sont tous deux des instruments de musique, non?
LUI: Quand on en sait en jouer, oui.
ELLE: Ils ont des touches, n'est-ce pas?
LUI: Et des boutons...
ELLE: Ils servent à quoi, ces boutons?
LUI: A boutonner le soufflet!
ELLE: Pour qu'il ne laisse pas passer l'air?
LUI: Voilà, en quelque sorte.
ELLE: Et pour qu'il ne prenne pas froid?
LUI: Sutout l'hiver!
ELLE: Vous êtes vraiment sûr que ce n'était pas un rhinocéros qui imitait le brame du cerf?
LUI: Place du Champ de Mars?
ELLE: Ou Place des Tuileries...
LUI: Aucun doute, c'était bien une girafe qui boitait et portait un képi tout en jouant de l'harmonica diatonique et en récitant un poème d'isidore Isou...
ELLE: Fantastique!
LUI: Et tout ça, Place de la Concorde!
ELLE: Vous êtes certain que ce n'était pas l'Obélisque?
LUI: Non, c'était bien une girafe!
ELLE: A vélo?
LUI: Je n'ai jamais dit ça!
ELLE: Vous auriez pu le dire!
LUI: Vous n'êtes pas obligée de me croire!
ELLE: Evidemment!
LUI: Je ne vous raconterai plus rien.
ELLE: Et pourquoi pas un bonobo qui repeignait en noir la façade de l'Assemblée Nationale, tant que vous y êtes?
LUI: Je n'ai jamais vu un singe qui sait peindre...
ELLE: Un âne, oui...
LUI: Mais pas un singe, même sorti des Beaux-Arts!
ELLE: Il est trop proche de l'homme, sans doute!
LUI: Si on allait boire quelque chose?
ELLE: C'est vrai qu'il fait soif!
LUI: C'est parti!
ELLE: Tiens, vous boitez?
LUI: Oui, depuis Monte Cassino...
ELLE: Comme la girafe!
LUI: C'était peut-être moi!
ELLE: Vous êtes un grand cachottier!
LUI: Pour vous plaire!
ELLE: On est arrivés!
François Teyssandier
---------------------------------------------
LE MINISTRE QUI MONTE
(Les portes s’ouvrent, il entre, se cabre, toise l’autre, qui fait pareil.)
- Vous montez ?
- Et comment !
- Jusqu’à… ?
- Je n’aime pas m’imposer de limites.
- Je vous verrai bien pape.
- J’y pense parfois, en me rasant le matin, mais, je me vois plutôt (ses mains s’envolent vers le haut, son regard vers le plafond de la cabine) …
- Avec des stigmates ?
- Comme un modèle.
- Nous ne pouvons pas tous être Zidane.
(Silence – tendu.)
- Tu as bavé.
- Je ne bave jamais. Et de toute façon, ce n’est pas une raison de me tutoyer, je ne m’appelle pas Ngumbo moi.
- Un peu surexcité pendant votre discours peut-être. Regardez.
- Je me maîtrise toujours. (Il débarrasse le col de sa veste d’une miette gluante.) Ces foutus petits-fours, ce n’est pas pratique, et pour des anciens policiers, quel gâchis !
- Il faut soigner son image.
- Vernissage d’une exposition d’œuvres d’anciens fonctionnaires de la police. Franchement. Des croûtes à la goulasch. N’ont-ils pas mieux à faire ?
- À la gouache, pas goulasch.
- Oui, bien sûr. Et le comble, certains se sont mis à chanter, en Italien ! Insensé. Il y en a un qui s’est même mis à pleurer et à parler de ses parents. Il est retraité, mais je vais quand même demander à voir son dossier.
- Il y avait trop de laxisme dans le passé.
- Avec le tri, nous subirons moins ces problèmes-là.
- Exact, il y aura moins de contamination. Parler trop de langues, ça donne des idées, ça ouvre l’esprit, c’est malsain.
- Mais vous…
- Moi, je n’ai pas peur des paroles, je sais ce qu’il faut dire et je le dis, ce n’est pas une question de langue. C’est clair non ?
(Silence – méditatif.)
- Le problème maintenant c’est l’éducation, on s’y investit trop.
- Sans discrimination.
- Sans rigueur.
- Ça donne aux gens l’impression de pouvoir penser.
- Puis ils vont chercher midi à quatorze heures.
- L’éducation rend con.
- Tiens ! notez ça.
(Silence – satisfait.)
(Un bruit, de langue indéterminée.)
- Pardon ?
- Rien.
- J’ai cru entendre…
- J’ai pété.
- Encore les petits-fours sans doute.
- C’est mon côté populaire, mais ça reste entre nous.
- Je ne le répéterai à personne.
- Ce que vous êtes spirituel.
- Peut-être, mais je commence à trouver long cet ascenseur.
(Silence – fétide – jusqu’à ce que les portes s’ouvrent. Il se toise une dernière fois, tire sur sa veste devant le miroir, et sort.)
Derek Munn
---------------------------------------------
LE SEPTIEME CIEL
Vous descendez à quel étage ?
Je monte !
C’est une expression madame.
Je m’en fous, je vous dis que je monte, je descends pas !
Je sais bien mais même si on monte, ensuite, on descend !
JE DESCENDS PAS JE MONTE MÔSSIEUR !
Ah ben tiens, on descend justement…
Mais moi je monte ! Laissez moi MONTER !
Non, vous descendez ! De concert ! avec moi !
C’est IMPOSSIBLE puisque je monte !
Vous montez peut être, mais l’ascenseur, lui, présentement descend !
Qu’est-ce que c’est que cette merde ! J’ai appuyé sur le 6 en partant de 0, donc forcément, il ne peut que MONTER !
Vous peut-être, vous avez appuyé pour monter mais lui, il descend !
Mais comment est-ce possible ? !
A votre avis ?
Cet ascenseur est doué DE VOLONTE ? !
Ahah…
Il est POSSEDE ? !
Hihi !
Il est HANTE ? ! O secours !
… gling glang…
Où sommes-nous ? J’ai peur…
Au parking !
Mais ce n’est pas DU TOUT le sixième étage !
Ah ça non !
Je veux MONTER ! Je ne suis jamais descendue si BAS !
Au revoir madame !
Mais où allez-vous ?
Je vais récupérer ma voiture tiens pardi !
Mais alors…
Au revoir !
… mais alors, c’est VOUS ! C’est vous qui avez POSSEDE l’ascenseur ! C’est vous le SORCIER !
… gling glang.
O secours ! Je monte, je monte, je monte, ah je moooooooooooooonte…
Marie Chotek
---------------------------------------------
KABOUL
La femme mûre - Bonjour, quel étage ?
Le stagiaire – Cinquième ? Attendez…
La femme mûre - Non, c’est déjà appuyé, là.
Le stagiaire - Ah, excusez-moi
La femme mûre - C’est pas grave.
Le stagiaire - On y est ?
La femme mure - Non, ça c’est le 2e.
Le stagiaire - ah, pardon
La femme mûre - (face au miroir, pinçant discrètement les narines)
Y a pas de mal.
(à une femme sur le palier)- Vous montez ?
La femme sur le palier - Vous descendez ?
La femme mûre - Non, on monte !
La femme sur le palier - ah ! j’attends le prochain, alors.
La femme mûre- Comme vous voudrez.
Le stagiaire - C’est le 5e ?
La femme mûre- non, le 4e. On dirait que vous êtes pressé !
(un homme entre dans l’ascenseur)
La femme mûre- Victor ! J’te croyais à Kaboul…
(bise-bise)
Victor - La semaine dernière.
La femme mûre - Alors ?
Victor (plissant le front)- La situation géopolitique se dégrade.
La femme mûre – (une main dans les cheveux) Ah oui ?
Victor (front plissé. Face au miroir, chasse une mèche de son visage)
- Oui.
La femme mûre- On s’appelle ?
Victor - A l’occase.
La femme mûre - Jeune homme, vous êtes arrivé, là !
Elisa Rhinite
Voici les textes du labo en ligne huit : cinq "dialogues d'ascenseur" drôles et corsés, absurdes ou poétiques. Je vous laisse le plaisir de les découvrir. La proposition de la neuvième semaine est (enfin) en ligne.
Pour la découvrir sans plus attendre, CLIQUEZ ICI !!!
(mais qu'est-ce qui me prend de brailler comme ça ?)
Votre dévouée
Lala Bo Rantine
----------------------------------------------------------
DEGUISEMENTS POUR ASCENSEUR
– Oh bonjour ! mon joli, t’es tout seul là ! Alors, ta maîtresse, elle t’a oublié ! Tu viens avec moi, je vais t’accompagner chez le gardien !
(La porte de l’ascenseur s’ouvre)
– Bonjour ! Non il n’est pas à moi ! Il était là quand je suis monté. Il est mignon, hein ? Oui c’est quelqu’un qui l’aura oublié sûrement !
– J’espère qui va pas pisser partout ! Aïe !! mais y m’a mordu le gros con !
– Por favor.
– Quel étage ?
– Por favor.
– Quel ETAGE, STEP, ETAJEN, FLOOR !
– Ah, no soy homosexual, gracias.
– (Voix métallique) Reste-avec-moi-je-ne-te-veux-pas-de-mal.
– Qui êtes-vous, d’où venez-vous ?
– (Voix métallique) Tu-ne-pourrais-pas-comprendre.
– Vous allez à quel étage ?
– (Voix métallique) L’appareil-est-sous-mon-contrôle-je-vous-emmène-chez-moi. Ah ah ah. (rire métallique)
(Un homme entre dans l’ascenseur, il se trouve face à un yucca dans son pot)
–…
(Il sort au 7e)
– Bonjour
– …
– Vous allez où ?
(Elle indique le 7)
– Vous n’êtes pas française ?
(Elle fait signe que non de la tête)
–Ah, vous m’avez compris cependant !
(Elle fait signe que non de la tête)
– Vous n’avez pas peur de rester bloquée, ça tombe souvent en panne ces saloperies. Moi, rester bloqué avec vous, ça me plairait plutôt. Vous me faites penser à quelqu’un, on s’est pas déjà vu quelque part ?
(Elle se caresse la barbe dans le miroir)
(Un homme entre dans l’ascenseur, il se trouve face à son reflet, mais ce n’est pas lui)
– Merde ! mais qui c’est ça ?!
– C’est toi, connard !
Patrice Meynier
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LA GIRAFE QUI BOITAIT
Un homme, une femme dans un ascenseur qui descend.
LUI: Vous savez ce que je viens de voir?
ELLE: Non.
LUI: Une girafe.
ELLE: Où ça?
LUI: Place de la Concorde.
ELLE: C'est extraordinaire!
LUI: Une girafe qui dansait le paso doble Place de la Concorde...
ELLE: Au milieu des passants?
LUI: Et des cars de touristes!
ELLE: Vous êtes sûr que ce n'était pas une autruche?
LUI: Tout de même, j'ai voyagé!
ELLE: Un moment de distraction est vite arrivé...
LUI: L'une a moins de plumes que l'autre...
ELLE: Mais laquelle?
LUI: Je ne sais pas exactement.
ELLE: Vous voyez que ça n'est pas si simple que ça!
LUI: Et vous savez le plus extraordinaire?
ELLE: Non.
LUI: C'est que cette girafe boitait de la patte arrière...
ELLE: La droite ou la gauche?
LUI: Tantôt l'une, tantôt l'autre...
ELLE: Elle s'était peut-être blessée...
LUI: Sur les pavés, vous croyez?
ELLE: Ou elle vait peut-être glissé sur du crottin de cheval...
LUI: Du crottin Place de la Concorde?
ELLE: Il y en a parfois après le passage de la Garde Républicaine...
LUI: Seulement le 14 juillet!
ELLE: Vous êtes certain que ce n'était pas une otarie?
LUI: Ah non, l'animal ne sentait pas le poisson!
ELLE: Vous en êtes sûr?
LUI: Puisque que je vous dis que c'était une girafe!
ELLE: Oh, ça n'empêche pas...
LUI: Pourquoi pas un phoque, tant que vous y êtes?
ELLE: Je ne sais pas, moi...
LUI: Ou un manchot?
ELLE: L'animal avait perdu un bras?
LUI: Non!
ELLE: Alors, ce n'était pas un manchot!
LUI: Et le plus surprenant...
ELLE: Oui?
LUI: C'est que cette girafe qui boitait tantôt d'une jambe, tantôt de l'autre, portait un haut-de-forme...
ELLE: Noir?
LUI: Vous avez déjà vu des hauts-de-forme rouges?
ELLE: Pas moi, mais mon concierge oui...
LUI: Où ça?
ELLE: Au Tonkin...
LUI: Un chéchia, vous voulez dire?
ELLE: C'est très possible!
LUI: Je vous parle du gibus de la girafe...
ELLE: Attendez, c'était un gibus ou un haut-de-forme?
LUI: C'était un chapeau, en tout cas!
ELLE: Vous êtes sûr que ce n'était pas un kangourou qui portait une casquette de coureur cycliste?
LUI: Le Tour de France est terminé depuis un mois...
ELLE: L'animal était peut-être en retard...
LUI: A cause d'une crevaison?
ELLE: Peut-être, oui...
LUI: Ecoutez, des kangourous, j'en ai vu au zoo de Vincennes!
ELLE: Et pas des girafes?
LUI: Des phacochères aussi, en veux-tu en voilà!
ELLE: Et des renards argentés?
LUI: Mais une girafe Place du Trocadéro, ça non!
ELLE: C'était Place du Trocadéro ou Place de la Concorde?
LUI: Peu importe, c'était sur une place!
ELLE: Vous n'aviez pas un trop bu?
LUI: J'étais à jeun!
ELLE: On peut avoir des hallucinations quand on a le ventre creux!
LUI: Et le plus époustouflant, c'est que cette girafe qui boitait et portait un chapeau claque jouait du bandonéon...
ELLE: Alors là, je ne vous crois plus!
LUI: Pourquoi ça?
ELLE: Je n'ai jamais vu une girafe qui joue du bandonéon!
LUI: Pas même dans un cirque?
ELLE: Non! Du piano droit, à la rigueur, mais pas de l'accordéon!
LUI: Il s'agissait d'un bandonéon!
ELLE: Ce sont tous deux des instruments de musique, non?
LUI: Quand on en sait en jouer, oui.
ELLE: Ils ont des touches, n'est-ce pas?
LUI: Et des boutons...
ELLE: Ils servent à quoi, ces boutons?
LUI: A boutonner le soufflet!
ELLE: Pour qu'il ne laisse pas passer l'air?
LUI: Voilà, en quelque sorte.
ELLE: Et pour qu'il ne prenne pas froid?
LUI: Sutout l'hiver!
ELLE: Vous êtes vraiment sûr que ce n'était pas un rhinocéros qui imitait le brame du cerf?
LUI: Place du Champ de Mars?
ELLE: Ou Place des Tuileries...
LUI: Aucun doute, c'était bien une girafe qui boitait et portait un képi tout en jouant de l'harmonica diatonique et en récitant un poème d'isidore Isou...
ELLE: Fantastique!
LUI: Et tout ça, Place de la Concorde!
ELLE: Vous êtes certain que ce n'était pas l'Obélisque?
LUI: Non, c'était bien une girafe!
ELLE: A vélo?
LUI: Je n'ai jamais dit ça!
ELLE: Vous auriez pu le dire!
LUI: Vous n'êtes pas obligée de me croire!
ELLE: Evidemment!
LUI: Je ne vous raconterai plus rien.
ELLE: Et pourquoi pas un bonobo qui repeignait en noir la façade de l'Assemblée Nationale, tant que vous y êtes?
LUI: Je n'ai jamais vu un singe qui sait peindre...
ELLE: Un âne, oui...
LUI: Mais pas un singe, même sorti des Beaux-Arts!
ELLE: Il est trop proche de l'homme, sans doute!
LUI: Si on allait boire quelque chose?
ELLE: C'est vrai qu'il fait soif!
LUI: C'est parti!
ELLE: Tiens, vous boitez?
LUI: Oui, depuis Monte Cassino...
ELLE: Comme la girafe!
LUI: C'était peut-être moi!
ELLE: Vous êtes un grand cachottier!
LUI: Pour vous plaire!
ELLE: On est arrivés!
François Teyssandier
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LE MINISTRE QUI MONTE
(Les portes s’ouvrent, il entre, se cabre, toise l’autre, qui fait pareil.)
- Vous montez ?
- Et comment !
- Jusqu’à… ?
- Je n’aime pas m’imposer de limites.
- Je vous verrai bien pape.
- J’y pense parfois, en me rasant le matin, mais, je me vois plutôt (ses mains s’envolent vers le haut, son regard vers le plafond de la cabine) …
- Avec des stigmates ?
- Comme un modèle.
- Nous ne pouvons pas tous être Zidane.
(Silence – tendu.)
- Tu as bavé.
- Je ne bave jamais. Et de toute façon, ce n’est pas une raison de me tutoyer, je ne m’appelle pas Ngumbo moi.
- Un peu surexcité pendant votre discours peut-être. Regardez.
- Je me maîtrise toujours. (Il débarrasse le col de sa veste d’une miette gluante.) Ces foutus petits-fours, ce n’est pas pratique, et pour des anciens policiers, quel gâchis !
- Il faut soigner son image.
- Vernissage d’une exposition d’œuvres d’anciens fonctionnaires de la police. Franchement. Des croûtes à la goulasch. N’ont-ils pas mieux à faire ?
- À la gouache, pas goulasch.
- Oui, bien sûr. Et le comble, certains se sont mis à chanter, en Italien ! Insensé. Il y en a un qui s’est même mis à pleurer et à parler de ses parents. Il est retraité, mais je vais quand même demander à voir son dossier.
- Il y avait trop de laxisme dans le passé.
- Avec le tri, nous subirons moins ces problèmes-là.
- Exact, il y aura moins de contamination. Parler trop de langues, ça donne des idées, ça ouvre l’esprit, c’est malsain.
- Mais vous…
- Moi, je n’ai pas peur des paroles, je sais ce qu’il faut dire et je le dis, ce n’est pas une question de langue. C’est clair non ?
(Silence – méditatif.)
- Le problème maintenant c’est l’éducation, on s’y investit trop.
- Sans discrimination.
- Sans rigueur.
- Ça donne aux gens l’impression de pouvoir penser.
- Puis ils vont chercher midi à quatorze heures.
- L’éducation rend con.
- Tiens ! notez ça.
(Silence – satisfait.)
(Un bruit, de langue indéterminée.)
- Pardon ?
- Rien.
- J’ai cru entendre…
- J’ai pété.
- Encore les petits-fours sans doute.
- C’est mon côté populaire, mais ça reste entre nous.
- Je ne le répéterai à personne.
- Ce que vous êtes spirituel.
- Peut-être, mais je commence à trouver long cet ascenseur.
(Silence – fétide – jusqu’à ce que les portes s’ouvrent. Il se toise une dernière fois, tire sur sa veste devant le miroir, et sort.)
Derek Munn
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LE SEPTIEME CIEL
Vous descendez à quel étage ?
Je monte !
C’est une expression madame.
Je m’en fous, je vous dis que je monte, je descends pas !
Je sais bien mais même si on monte, ensuite, on descend !
JE DESCENDS PAS JE MONTE MÔSSIEUR !
Ah ben tiens, on descend justement…
Mais moi je monte ! Laissez moi MONTER !
Non, vous descendez ! De concert ! avec moi !
C’est IMPOSSIBLE puisque je monte !
Vous montez peut être, mais l’ascenseur, lui, présentement descend !
Qu’est-ce que c’est que cette merde ! J’ai appuyé sur le 6 en partant de 0, donc forcément, il ne peut que MONTER !
Vous peut-être, vous avez appuyé pour monter mais lui, il descend !
Mais comment est-ce possible ? !
A votre avis ?
Cet ascenseur est doué DE VOLONTE ? !
Ahah…
Il est POSSEDE ? !
Hihi !
Il est HANTE ? ! O secours !
… gling glang…
Où sommes-nous ? J’ai peur…
Au parking !
Mais ce n’est pas DU TOUT le sixième étage !
Ah ça non !
Je veux MONTER ! Je ne suis jamais descendue si BAS !
Au revoir madame !
Mais où allez-vous ?
Je vais récupérer ma voiture tiens pardi !
Mais alors…
Au revoir !
… mais alors, c’est VOUS ! C’est vous qui avez POSSEDE l’ascenseur ! C’est vous le SORCIER !
… gling glang.
O secours ! Je monte, je monte, je monte, ah je moooooooooooooonte…
Marie Chotek
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KABOUL
La femme mûre - Bonjour, quel étage ?
Le stagiaire – Cinquième ? Attendez…
La femme mûre - Non, c’est déjà appuyé, là.
Le stagiaire - Ah, excusez-moi
La femme mûre - C’est pas grave.
Le stagiaire - On y est ?
La femme mure - Non, ça c’est le 2e.
Le stagiaire - ah, pardon
La femme mûre - (face au miroir, pinçant discrètement les narines)
Y a pas de mal.
(à une femme sur le palier)- Vous montez ?
La femme sur le palier - Vous descendez ?
La femme mûre - Non, on monte !
La femme sur le palier - ah ! j’attends le prochain, alors.
La femme mûre- Comme vous voudrez.
Le stagiaire - C’est le 5e ?
La femme mûre- non, le 4e. On dirait que vous êtes pressé !
(un homme entre dans l’ascenseur)
La femme mûre- Victor ! J’te croyais à Kaboul…
(bise-bise)
Victor - La semaine dernière.
La femme mûre - Alors ?
Victor (plissant le front)- La situation géopolitique se dégrade.
La femme mûre – (une main dans les cheveux) Ah oui ?
Victor (front plissé. Face au miroir, chasse une mèche de son visage)
- Oui.
La femme mûre- On s’appelle ?
Victor - A l’occase.
La femme mûre - Jeune homme, vous êtes arrivé, là !
Elisa Rhinite